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Titina

Entretien avec Kajsa Næss, réalisatrice

Comme tous les Norvégiens, la réalisatrice Kajsa Næss, lauréate de plusieurs prix, connaissait bien le légendaire explorateur polaire Roald Amundsen et ses exploits. Mais lorsqu’elle est tombée sur l’histoire du dirigeable Norge et de la découverte du pôle Nord, elle a été surprise. Non seulement elle en savait assez peu sur cet aspect des aventures d’Amundsen, mais la présence d’un petit chien dans l’expédition l’a interpellée : 

« Je suis tombée sur cette histoire par hasard. J’ai été surprise de ne pas en avoir entendu parler, car cela a été un énorme événement médiatique dans les années 1920, rendu encore plus spectaculaire par la présence du dirigeable. Mais tout en entrant dans l’histoire, il s’est estompé avec le temps et la plupart des Norvégiens d’aujourd’hui ne savent pas comment Amundsen est mort ou ignorent qu’il a disparu en cherchant Umberto ENTRETIEN AVEC KAJSA NÆSS PAR REBEKAH VILLON Nobile. Ainsi, même si Amundsen lui-même est une icône, cette partie de sa vie est moins connue.

La présence de Titina dans cette histoire est un autre élément qui m’a attirée. En tant que Norvégiens, nous savons tous que si vous emmenez des chiens dans les régions polaires, ils doivent travailler, ou que vous devez pouvoir les manger si besoin. L’Arctique n’est pas fait pour les petits chiens d’appartement. Pourquoi emmener un animal de compagnie dans un tel endroit ? Cela me paraît très étrange. Voilà ce qui rendait cette histoire si intéressante. Et comment était-il concrètement possible qu’un petit chien voyage dans un dirigeable ? 

J’ai aussi été charmée par le dirigeable lui-même. Il est si grand, si fragile et si étrange. L’image du dirigeable sur le paysage polaire fonctionnait tellement bien, associée à ce petit chien ! ».

Avec en tête le cadre général de l’histoire, Næss est allée voir le scénariste multi-primé Per Schreiner, qui lui a suggéré de réaliser un long métrage. Pour Næss, il était important que le film se concentre sur les personnages et l’émotion, de baser la dramaturgie sur les relations interpersonnelles plutôt que de raconter l’histoire héroïque conventionnelle d’hommes partant à la conquête de la nature. Le fait de considérer les événements du point de vue de Titina a permis d’aborder l’histoire autrement, la rendant à la fois plus complexe et plus accessible :

« Il y a une façon très classique de raconter ce genre d’histoires au cinéma, avec des hommes héroïques relevant des défis, mais je ne voulais pas faire ça. Ce qui était plus intéressant à mes yeux, c’est que nos personnages aient fait des choix étranges, et qu’ils aient eu des relations complexes. Par exemple, dans le film, ils dépensent plus d’énergie à se disputer pour savoir qui a le plus grand drapeau qu’à célébrer la découverte du pôle Nord. 

C’est un film sur de petits humains dans un paysage immense. Ils se disputent, ils sont têtus, ils sont égoïstes. Ils ont des sentiments humains auxquels on peut s’identifier, et c’est de là que vient le potentiel dramatique de ce film. Mettre Titina dans une position d’observatrice permet au public de regarder autrement les choix des personnages. Titina fait réellement l’expérience de la nature et du paysage, alors que les hommes n’y prêtent pas attention car ils sont trop obnubilés par leur rivalité. Elle vit sa propre aventure en parallèle de la leur ».

Pendant la production, malgré le Covid, Næss s’est installée en Belgique pour pouvoir travailler directement avec les équipes de production à Bruxelles et à Gand. Avec Marie-Laure Guisset, la directrice de l’animation, elles avaient en tête un style d’animation très spécifique, inspiré des films de Jacques Tati et de Wes Anderson :

« Beaucoup d’animateurs 2D classiques sont habitués à un style plus flamboyant, avec beaucoup de mouvement dans chaque image. Ils ont appris toutes sortes de règles sur la fluidité et l’action secondaire, et ils veulent utiliser toutes ces techniques. Or nous leur demandions d’être très sobres, avec juste un léger mouvement de la main ou une rotation de la tête, et pour certains animateurs, c’était assez difficile. Naturellement, quelques personnages se rapprochent davantage du dessin animé usuel et ont leur propre style de mouvement. Mussolini, par exemple, a des expressions beaucoup plus exagérées. Il y a donc des scènes où les animateurs habitués à ce type de mouvement ont pu vraiment s’en donner à cœur joie. En fait, cela fonctionne très bien avec l’animation plus contenue des personnages principaux, en soulignant les différences entre eux et en laissant le public réfléchir à ce que ces différences peuvent signifier.  

Comme j’étais sur place, j’ai pu travailler en étroite collaboration avec Marie-Laure Guisset, la directrice de l’animation, qui a vraiment compris cette approche et a fait un excellent travail de sélection des animateurs. Ils ont vraiment apporté beaucoup d’émotion à chaque plan grâce à ce style sobre. Et aussi, toujours parce que j’étais sur place, je pouvais communiquer directement avec les animateurs et ils pouvaient apporter au film leurs propres idées. 

Lorsque vous travaillez avec de très bons animateurs qui ont beaucoup d’expérience, il est important d’être ouvert à leurs idées et de voir comment elles peuvent être utilisées. Cela les aide à s’approprier la production au lieu de simplement travailler pour quelqu’un. C’est incroyablement important pour des personnes créatives. Et en tant que réalisateur, ce type de collaboration vous donne beaucoup de cadeaux : vous avez accès à ces idées supplémentaires que vous n’auriez pas eues autrement ».

Et comment Kajsa Næss résumerait-elle l’essence du film ? 

« Titina est un film sur des petits sentiments dans un paysage immense. Sur deux hommes déçus qui découvrent un endroit complètement vide. Et sur la petite chienne de salon qui a survécu pour raconter l’histoire ». 

(Dossier de presse) 

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